Interview de Monsieur Laurent Castra, Direction de la Sécurité Sanitaire et Protection des Populations, ARS Île-de-France
« La culture du signalement est au centre de nos problématiques »
Grâce à son Projet régional de santé, l’ARS Ile-de-France se donne les moyens de faire encore progresser la sécurité des patients. Le développement de la culture du signalement en est l’un des axes forts.
L’Agence régionale de santé Île-de-France vient d’adopter son Projet régional de santé 2018-2022. Quelles sont les orientations données pour l’amélioration de la sécurité des usagers pour les cinq années à venir ?
Pour les 5 années à venir, les orientations définies sont très marquées par la participation des usagers et par les dimensions de qualité et de pertinence. C’est un acte fort de notre part qui est inscrit dans ce Projet régional de santé (PSR 2). Le PRS 2 est un outil de synthèse comprenant des axes prioritaires, comme les dispositifs de déclaration, et fondé sur tout un ensemble d’actions beaucoup plus vastes au niveau des ARS.
Concernant la culture du signalement des usagers et des professionnels de santé, nous nous sommes inscrits dans un cadre de rapport de confiance accrue et de logique d’accompagnement, davantage que dans une logique d’inspections et de contrôles, sachant que, bien entendu, nous ne renonçons pas à ces dernières. Il s’agit donc bien de développer encore davantage l’accompagnement. Nous souhaitons, également, plus de complémentarités entre les structures de vigilance et d’appui au niveau des programmes de travail.
Nous avons complété notre dispositif de recueil des données par un centre d’analyse des risques. Il permet de comparer les signalements avec d’autres éléments : résultats d’inspection et de certification, réclamations des usagers, etc. Nous avons alors pu constater l’existence d’un décalage. Nous incitons, dès lors, ceux des professionnels de santé qui ne déclarent pas à le faire. Ce rapport de confiance et d’incitation à la déclaration s’avère particulièrement important pour nous. Nous misons beaucoup sur l’exploitation des données et la restitution que l’on peut en faire.
Ce travail nous permet de construire, avec des structures comme la Staraqs, des programmes d’action.
Le signalement des événements indésirables graves est un axe national de développement de la culture sécurité. Quels sont les moyens mis en œuvre par l’ARS Ile-de-France pour accompagner cette démarche au niveau de la région ?
La culture du signalement est véritablement au centre de nos problématiques. Si l’on souhaite agir en termes de prévention des risques, il faut développer la connaissance, l’expertise et la confiance afin de favoriser le signalement. Nous nous sommes fixés un objectif d’augmentation d’environ 10 % par an des signalements.
Le portail offre de nouvelles possibilités complémentaires de déclarations. Avec un algorithme spécifique, ce portail permet d’organiser les déclarations. Nous analysons, nous hiérarchisons et nous priorisons. Il y a toujours une démarche d’échange avec les professionnels. Nous laissons les équipes faire leur travail. En effet, le principe de la déclaration n’est pas de venir se substituer ou de venir perturber le travail normal que doit avoir une équipe face à un événement indésirable grave. Nous souhaitons développer cette culture du signalement, notamment, en restituant nos analyses de risque et en associant les professionnels à nos travaux sur la prévention des risques.
Concernant le taux de déclarants par rapport au nombre d’établissements, il y a encore une marge de progrès. Nous sommes passés, sur la période 2012 / 2015, de 33 % de déclarants en secteur sanitaire hospitalier à 44 %. Nos priorités d’action recouvrent des sujets d’importance comme les événements indésirables graves, le médicament, la périnatalité, le fonctionnement et la prise en charge en bloc opératoire. Ces sujets font l’objet d’un travail partagé par l’ensemble des structures avec un rôle important de la Staraqs qui participe à nos groupes de travail. Cette structure a une approche d’accompagnement sur le terrain pour certains événements indésirables graves et ce, à la demande des établissements. Par ailleurs, l’aspect information et formation demeure essentiel avec, notamment, l’organisation par la Staraqs de colloques très thématisés et très professionnalisés.
Après plus d’un an d’ouverture du portail national de signalement des événements sanitaires indésirables, l’ARS Île-de-France vient de diffuser un premier bilan. À partir des conclusions que vous en avez tirées, quels sont les principaux axes que l’ARS Île-de-France souhaite développer pour promouvoir cette culture du signalement ?
Nous sommes très soucieux de développer la prévention des risques et d’essayer de les anticiper. Une de nos priorités est notamment de développer la conciliation médicamenteuse. Il s’agit de mieux gérer les entrées et sorties du système. Nous avons, en effet, constaté qu’il pouvait y avoir des décrochages en termes de sécurité sanitaire du fait d’une information insuffisante, d’une liaison ou d’une coordination insuffisante. Nous insistons beaucoup sur la notion de sortie. A la sortie de l’hôpital, quel est le risque résiduel ? Exemple d’un risque : un patient atteint d’une bactérie multirésistante qui est orienté d’un établissement de court séjour vers un établissement de moyen séjour. Ce risque doit être anticipé par de l’échange d’informations, mais aussi par une organisation adaptée. Nous ne parlons pas d’inspection et de contrôle, mais de visites et d’accompagnement et, comme le fait la Staraqs par la formation et l’information.
La culture du signalement à l’hôpital progresse. La conjonction de textes législatifs et réglementaires structurants a eu un impact. Donc, je pense que nous n’aurons pas de mal à atteindre notre objectif de PRS 2. Nous soutenons toutes nos structures de vigilance, y compris la Staraqs, pour se développer sur le champ du médico-social. Au niveau de l’hôpital et du médico-social, nous avons cette grande préoccupation des prises en charge des parcours qui est inscrite de façon très nette et forte dans le PRS 2.
Interview réalisé par Social Dynamite