Financer la qualité des soins dans les établissements de santé : un levier pour redonner du sens aux soignants – IGAS

La mission a été donnée à l’IGAS en aout 2023 par le ministre de la santé dans un contexte de réforme de financement pour 2024 afin d’introduire davantage de financement à la qualité (sur des objectifs de santé publique) en parallèle au financement à l’activité et aux missions.

Elle a comporté le diagnostic du dispositif actuel, des entretiens avec les administrations et les professionnels via questionnaire. Le rapport rappelle certaines définitions et fait état des différents modes de régulation de la qualité qui existent, il donne les résultats des enquêtes réalisées et quelques comparaisons d’indicateurs d’autres pays.

Les points principaux du contexte rappelés dans le rapport sont les suivants :

  • Le financement à la qualité avait été introduit en 2012 avec l’expérimentation de l’IFAQ, généralisé en 2016 en MCO et HAD puis étendue au SMR et récemment en PSY. Des enveloppes augmentées progressivement (200 M€ en 2019, 700 M€ en 2023). Couverture progressive des différents secteurs d’activité (urgences, …)
  • Une littérature économique mitigée mais un dispositif considéré comme un soutien aux démarches managériales.
  • En pratique, de nombreux défauts de l’IFAQ sont constatés : juxtaposition de dispositifs réglementaires peu clairs, dispersion des acteurs administratifs induisant des fonctionnements en parallèle, outil très complexe et ne permettant pas d’anticiper, trop axé processus et établissement, il parle peu aux équipes de soins.

La démarche qualité est souvent perçue par les soignants comme une contrainte imposée ayant peu de lien avec l’activité de soins alors que celle-ci est en lien direct avec la pratique quotidienne des soignants. Le dispositif actuel d’incitation financière est peu lisible et peu connu des soignants.  Il est rarement utilisé comme un outil de management et a donc peu d’impact sur les pratiques. Il existe un réel besoin de simplification du dispositif ainsi que de sens à donner pour les soignants préalable à l’appropriation.

La qualité doit se mesurer au plus près des soins, par des indicateurs mesurables pour chaque service de soins et il faut y inclure des résultats par spécialités ou pathologies sur le plan clinique mais aussi tels que vus par les patients.

Le levier financier est l’un des éléments d’une stratégie plus globale de la qualité intégrant la sécurité, la pertinence et la qualité des pratiques.

La mission préconise de :

  • Refonder la gouvernance de la qualité en santé en créant une instance de gouvernance nationale (petite équipe pluridisciplinaire) de la qualité en santé et en élaborant une feuille de route pluriannuelle sur la qualité des soins intégrant tous les leviers y compris sécurité et pertinence
  • Engager une concertation pour augmenter les missions des instances régionales sur la pertinence des soins (IRAPS)
  • Unifier, rénover et étendre le dispositif actuel de l’incitation financière IFAQ
  • La représentativité de E-SATIS doit être améliorée
  • Le dispositif CAQES pourrait être supprimé et intégré dans le financement global
  • Concernant les indicateurs, deux ensembles sont proposés :
    • 1er ensemble (pilier 1 de financement) : indicateurs transversaux avec un calcul déclinable au niveau du service de soins
      • Indicateurs socles pérennes communs à tous (certification, Prise en charge douleur, prise en compte du bien-être/de l’expérience du patient, Indicateur de coordination du parcours intra hospitalier, QVT soignant (Baromètre QVT obligatoire)). Pour la certification, une variante pourrait considérer que c’est un prérequis pour recevoir une rémunération à la qualité et non un indicateur socle
      • Indicateurs temporaires pour 3 à 4 ans centrés sur des axes d’amélioration prioritaires (déclaration EI, numérique, développement soins écoresponsables, recours HAD ou à l’ambulatoire, indicateurs pertinence tels que dans le CAQES…). Avec accompagnement des établissements sur les évolutions des indicateurs établissements ou spécifiques secteurs d’activité, déclinables sur le plan régional.
    • 2ème ensemble (pilier 2 de financement) : mesure des résultats de soins par spécialités ou pathologies. Celui-ci implique la mobilisation des sociétés savantes, l’évolution des systèmes d’information pour des recueils automatisés, le développement du recueil des données de santé, les registres de pratiques, etc.

Des exemples d’indicateurs de résultats sont présentés dans le rapport : cataracte (PROMS avant/après intervention), Agence de Biomédecine (greffes, AMP : analyse rétrospective des échecs), réseaux de surveillance Santé Publique France (ISO), antibiorésistance (SPARES), etc.

Cependant, financer au résultat des soins peut bloquer le dispositif, il faut donc valoriser la mesure et l’analyse des résultats et encourager la transparence entre pairs avec l’inscription des équipes de soins dans la démarche et impulsion donnée à la comparaison entre pairs. Ensuite, progressivement avec la participation des patients, une majoration du financement pourrait s’envisager par exemple, en cas de mesures de type PROMS ou de retour d’expérience auprès des équipes (forfait de financement des temps collectifs).

Il n’est pas prévu de majoration de l’enveloppe financière tant que le dispositif n’est pas stabilisé.

Enfin, un calendrier est proposé avec mise en place d’une équipe projet pilotée par la DGOS pour définir les organisations à l’été 2024, commencer les aspects techniques en 2024 et pour introduire les éléments dans la loi de financement 2025, tester le dispositif rénové en 2025, et généraliser en 2026.