Réussir une revue de mortalité et de morbidité sur un « parcours multisite » – STARAQS

Forte de son expérience d’appui à l’analyse lors de revues de mortalité et de morbidité (RMM) impliquant plusieurs établissements, la STARAQS a élaboré un guide RMM « parcours multisite » : les conditions pour réussir!. Elle vous propose quelques conseils pour analyser et trouver avec succès les causes d’un événement indésirable grave dans ce contexte si particulier. Ces travaux font l’objet d’un article qui sera prochainement publié dans le journal « Risques & Qualité ».

  • Analyse approfondie des événements indésirables graves associés aux soins survenant au cours d’un parcours multisite complexe

Si l’analyse des causes d’un événement indésirable grave associé aux soins (EIGS) ne recherche pas la responsabilité individuelle ou collective des participants, elle se réalise souvent dans un contexte émotionnel lié à l’événement, accompagné d’un sentiment d’inacceptabilité de la situation, renforcé dans le cadre d’un parcours de soins multisite. En effet, ces RMM multisites ont la spécificité d’associer des acteurs d’horizons et de cultures différents qui se rencontrent souvent pour la première fois. Ils décrivent leurs organisations respectives et analysent les interactions qui ont eu lieu tout au long de la prise en charge du patient. Lorsque la Staraqs est sollicitée par les professionnels ou par l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France pour apporter un appui méthodologique et son expertise dans ces situations identifiées comme complexes lors de la déclaration, les difficultés rencontrées sont princi­palement de deux ordres : des difficultés organisationnelles pour solliciter les professionnels et accéder aux informations nécessaires et indispensables à une analyse pertinente et efficiente de l’EIGS, et des difficultés lors de l’animation de la RMM pour assurer une neutralité bienveillante avec les nombreux intervenants qui parfois ne se connaissent pas et exercent dans des contextes et avec des pratiques professionnelles différentes. L’analyse globale et systémique de la situation doit conduire à prendre en compte toutes les composantes organisationnelles, techniques et humaines des différentes structures concernées. L’approche doit être centrée sur le parcours, privilégiant une dimension multifocale et territoriale, et en prenant en compte les différentes interfaces entre les acteurs impliqués. Ces derniers exercent dans différents établissements de santé, structures ou établissements médico-sociaux, services de régulation et de transports (Samu1, Smur2, BSPP3, Sdis4, ambulance privée), en structures d’exercice collectif (centre de santé, maison de santé pluriprofessionnelle) ou en activité d’exercice libéral en soins de premier recours (sage-femme, infirmière, médecin, etc.).

  • Revues de mortalité et de morbidité complexes nécessitant une conduite spécifique

L’objectif final d’une analyse approfondie d’un événement complexe et multisite réussie est l’élaboration d’actions correctives validées par l’ensemble des participants, dont chacun a sa propre lecture et interprétation en fonction de son environnement et de sa culture professionnelle.

  • Reconstitution du parcours du patient

À chaque étape de la RMM, les spécificités de la dimension multisite sont à prendre en considération pour prévenir les difficultés qui pourraient conduire à l’échec de la démarche d’analyse. Le déclarant de l’EIGS sur le portail national de signalement des événements sanitaires indésirables5 signale la conséquence de l’événement qu’il veut analyser. Les causes de sa survenue peuvent se situer à toutes les étapes du parcours du patient : en aval de la conséquence quand le déclarant est au début du parcours, au milieu du parcours quand le déclarant est situé à une étape, ou en amont quand la conséquence de l’événement survient à la fin du parcours.

La reconstitution de chaque étape du parcours est donc un moment crucial de la préparation de la RMM. Elle nécessite d’identifier l’ensemble des acteurs de la prise en charge, sans oublier les transports, pour les informer de la déclaration d’EIGS sur le portail national de signalement. La préparation est une étape importante de l’analyse. Elle s’appuie sur le recueil, souvent fastidieux à organiser, des documents et informations factuels transmis de manière sécurisée entre les différentes structures.

Le support d’analyse de la RMM doit respecter un certain équilibre dans la présentation des écarts recueillis, dans une approche factuelle ne mettant en cause directement aucun des participants, en s’appuyant sur les documents transmis par les différents acteurs.

  • Acteurs, modération et organisation

La multiplicité des acteurs intervenant sur un parcours complexe peut induire des informations discordantes. Lorsqu’elles sont significatives et ne peuvent être éclaircies avant la tenue de la RMM, il est essentiel d’en noter la source. Pour éviter des tensions inutiles, ces informations discordantes sont clairement présentées en toute neutralité en RMM, en précisant « qui a fait quoi, à quel moment » sans chercher à savoir « qui a raison et qui a tort ». L’objectif final doit rester l’action d’amélioration qu’il faut savoir exprimer sous une forme consensuelle.

D’emblée, on peut souligner : l’importance du pilotage et de l’organisation de la RMM, le plus souvent sous la responsabilité du déclarant ; l’intérêt, dans un contexte émotionnellement fort, de réfléchir et de prendre conseil auprès des responsables hiérarchiques pour une meilleure gestion de la réunion ; et l’intérêt d’un accompagnement et d’une expertise méthodologique, par exemple de la structure régionale d’appui (SRA) ou d’un expert métier extérieur.

Devant la multiplicité des invités, le choix de la date de la RMM doit permettre de réunir le plus grand nombre de participants, tout en privilégiant la dis­ponibilité du déclarant et des acteurs principaux de l’événement. Pour favoriser la participation de tous, une possibilité de visioconférence et la demande de se faire représenter en cas d’absence imprévue sont recommandées. En cas de tension prévisible entre les acteurs, le lieu de la RMM doit être choisi avec soin en privilégiant sa neutralité et sa facilité d’accès pour les structures conviées.

La gestion du temps lors de la conduite de la RMM est primordiale. Elle doit garantir l’expression équitable de chacun quels que soient le nombre, la personnalité, voire la fonction des participants. Les acteurs présents lors de l’événement doivent être systématiquement sollicités pour partager leur approche.

Le tour de table permet aux acteurs de préciser leur rôle dans la survenue de l’événement et dans le parcours de soins. Il permet aussi d’identifier, à travers l’expression verbale et non verbale, le positionnement hiérarchique, les tensions entre professionnels, celles ou ceux dont il faudra solliciter la parole pour recueillir des réponses précises aux interrogations qui restent en suspens, et sur la recherche des causes ou des barrières existantes ou non, qui ont fonctionné ou pas.

  • Consensus et information

Les principes fondamentaux de la RMM (bienveillance, confidentialité, non-punition, etc.) sont sys­tématiquement présentés, de façon compréhensible pour l’ensemble des professionnels, souvent peu habitués à ce type de réunion, celle-ci pouvant de plus prendre une forme différente selon la culture qualité des établissements présents.

Le libellé de l’événement mérite une attention toute particulière car il conditionne directement le prisme sous lequel l’analyse approfondie des causes est conduite, l’évitabilité de l’événement, etc.

Les écarts sont communément validés au fil de la compréhension de l’événement.

Les actions correctrices au regard des écarts sont consensuellement approuvées par l’ensemble des acteurs. Lorsqu’elles relèvent d’instances (tutelle, instance d’établissement, de territoire ou régionale) ou d’organisations non représentées lors de la RMM, il appartient à l’animateur de la RMM d’expliquer l’argumentaire et la proposition d’actions correctrices à valider. La traçabilité de sa décision doit être intégrée au compte rendu. La restitution de l’analyse à l’ARS (volet 2) concerne l’ensemble des acteurs du parcours. De ce fait, il est indispensable que le déclarant le partage avec tous les acteurs présents lors de la RMM.

  • Exemples de revues de mortalité et de morbidité concernant un parcours complexe
    • Décès maternel dans les suites d’un hématome rétro-placentaire

Une patiente enceinte de passage en France, primipare âgée et hypertendue chronique, est à l’hôtel dans la zone d’un aéroport en attente de son vol de retour. Les signes cliniques d’un hématome rétro-placentaire (HRP) la conduisent à être prise en charge par le service médical de l’aéroport, les pompiers et le Samu, qui n’évoquent pas le diagnostic pendant deux heures. Des difficultés d’orientation conduisent à trois refus de transfert dans un contexte d’urgence vitale maternelle. La patiente décède de complication hémorragique, dans les suites d’une césarienne pour sauvetage maternel.

Participent à la RMM le service médical d’urgence de l’aéroport, les pompiers, le Samu, le Smur, les deux maternités ayant refusé la patiente, la maternité ayant accepté le transfert de la patiente (déclarante de l’EIGS) et le dispositif spécifique régional en périnatalité (DSRP).

Les actions correctives principales sont les suivantes : définir un algorithme décisionnel d’orientation en grande urgence d’un transfert in utero respectant concomitamment les besoins de prise en charge maternelle et pédiatrique; sécuriser l’adressage systématique du compte rendu d’hospitalisation aux services préhospitaliers impliqués dans la prise en charge des patientes, en tant que retour d’expérience (Samu, pompiers, etc.); former les professionnels de la coordination médicale des premiers secours et des ambulances de réanimation au diagnostic des urgences obstétricales.

  • Décès d’une résidente en foyer d’accueil médicalisé au service d’accueil des urgences

De retour de week-end, une résidente affectée d’une déficience mentale présente des signes cliniques d’occlusion intestinale. Elle est adressée au service d’accueil des urgences (SAU) qui l’examine après six heures d’attente, lorsqu’elle fait un arrêt cardio-respiratoire. Participent à la RMM les professionnels du foyer d’accueil médicalisé (FAM) et du SAU.

Les actions principales consistent à mettre en place, dans le cadre de la coordination territoriale, un travail collaboratif entre le FAM et le SAU sur les informations à communiquer lors de l’adressage de résidents : informations standard et spécifiques selon la symptomatologie à l’origine du transfert et à réviser les modalités de tri des patients dits « vulnérables » au SAU.

  • Outil à télécharger

Le guide RMM « parcours multisite » : les conditions pour réussir! est destiné aux déclarants d’EIGS multisites qui souhaitent élargir le périmètre de leur analyse au-delà de la seule situation concernant l’établissement dans lequel ils exercent, mais aussi à tous les professionnels sollicités pour participer à une RMM multisite.

Rédigé selon la chronologie de la démarche, il reprend chaque étape du circuit d’analyse et de traitement d’un EIGS, depuis sa déclaration jusqu’à la validation du volet 2 par l’ARS.

Tout au long de la démarche d’analyse, des points de vigilance sont mis en évidence pour attirer l’attention du lecteur sur les éléments essentiels à prendre en compte afin de réaliser avec succès ce type de RMM.

Il est à votre disposition le site de la Staraqs, en cliquant ICI.