Retour sur la Conférence sur la prévention du suicide – La STARAQS et le Professeur Fabrice JOLLANT
Cette deuxième journée régionale sur la prévention du suicide a eu lieu ce 10 septembre, le jour même de la 19eme journée annuelle mondiale.
Selon l’OMS, un décès sur 100 est un suicide. L’objectif est de réduire de 30 % ce taux d’ici 2030.
Les facteurs de risque du suicide liés à la pandémie de COVID-19 sont très nombreux. II est essentiel aujourd’hui de repérer de façon précoce les risques de conduites suicidaires et de ne pas sous-évaluer ce risque en établissements de santé et en structures médico-sociales. Il est d’autant plus important de porter une attention à la prévention des conduites suicidaires.
Cette conférence a été organisée en 3 parties :
- La question du lien entre pandémie à COVID-19 et conduites suicidaires
- La question des conduites suicidaires en institution
- Le plan de prévention du suicide développé au niveau régional.
Cette conférence a été organisée par la STARAQS avec la collaboration du Pr Fabrice JOLLANT, psychiatre, travaillant depuis une 20ne d’année sur la question des comportements suicidaires sur le plan de la recherche, de l’enseignement et des soins, membre de l’Observatoire national du suicide, du Groupement d’Étude et de Prévention du Suicide (GEPS) et du nouveau comité de pilotage de l’ARS pour la prévention du suicide en Ile-de-France. La STARAQS a réalisé de nombreuses démarches d’appui auprès des professionnels des établissements de santé et médico-sociaux lors de la survenue de conduites suicidaires, notamment depuis le début de la pandémie à COVID 19.
Cette conférence s’est déroulée en trois parties :
- Le premier thème de la conférence présente l’impact de la crise sanitaire sur les conduites suicidaires.
A partir des données d’hospitalisation, de l’analyse des causes de mortalité et des motifs d’appels aux centres antipoison sur la période épidémique, l’état des connaissances en France et dans le monde est décrit.
Les conséquences de la pandémie sont d’autant plus sensibles aux âges extrêmes de la vie.
Ainsi, depuis l’impact émotionnel lié à la séparation des patientes accouchées, aux symptômes et troubles observés chez le sujet jeune avec des difficultés d’apprentissage en milieu scolaire ou encore la maltraitance, les effets du confinement ont fait exploser les demandes de soins pédopsychiatriques à l’automne 2020.
Chez les plus âgés, leur place dans notre société et en temps de crise est questionnée dans un contexte de cassure de la solidarité intergénérationnelle et de diminution de l’accès aux soins. La crise sanitaire a participé à l’augmentation des cas d’épisodes dépressifs et / ou à leur aggravation, et donc à l’augmentation du nombre de suicides.
- La deuxième partie aborde la question des conduites suicidaires en institution
La HAS dans son rapport de 2019 rapporte que le suicide est la 2ème cause d’Événements Indésirables Graves déclarés. Près de 65 % des déclarations conduisent au décès. Une nette majorité est déclarée dans les établissements de santé (82,5%) montrant des problématiques de sécurisation des locaux, l’impact des défauts de communication et des défaillances organisationnelles.
Sur une étude plus circonspecte, les résultats d’un audit réalisé au Centre Hospitalier Sainte Anne sur 216 dossiers de patients ont montré que 26 % des patients présentaient un risque suicidaire . Les points faibles portaient sur la prescription de consignes de surveillance, la transmission paramédicale du risque suicidaire, la traçabilité de la mise en sécurité du patient et la multiplicité des supports…
Un retour d’expériences concernant la survenue de deux suicides selon le même opératoire dans un établissement de santé psychiatrique a mis en évidence que
- L’évaluation du risque suicidaire est complexe à réaliser, se limitant trop souvent à l’expression par le patient d’idées suicidaires, conduisant à une sous-estimation du risque de passage à l’acte
- La limitation de l’accès aux moyens létaux est insuffisante
- La vulnérabilité et la souffrance des patients et leurs proches, sont encore plus marquées par le contexte épidémique
- Une recherche des causes profondes de ces événements est indispensable pour définir des actions pertinentes
- Un plan d’actions doit être mis en place immédiatement avec l’engagement de la gouvernance.
La démarche d’accompagnement par la STARAQS représente un atout majeur dans la gestion de ces situations et la mise en place des plans d’actions.
Compte tenu de la complexité de ces situations, un guide d’aide à l’analyse des conduites suicidaires, complémentaire de la grille ALARM a été rédigé avec la collaboration du Pr Jollant et de la FORAP (Fédération nationale des structures d’appui). Il sera prochainement disponible.
Enfin, l’accent a été mis sur le besoin de soutien des familles endeuillées et des professionnels. Il est préconisé de mettre en place un programme de postvention s’appuyant sur une équipe formée qui pourra intervenir de façon précoce pour évaluer l’impact émotionnel, puis à moyen terme pour éviter un climat de blâme et à long terme pour maintenir la vigilance.
- La troisième partie de la journée a permis de prendre connaissance de la stratégie mise en place au niveau de la région sur la prévention du suicide.
Celle-ci s’appuie sur un groupe de travail régional inter partenarial dans une approche transversale de prévention et un soutien aux établissements et aux associations et associe :
- L’analyse et le suivi de toutes les déclarations d’événements indésirables graves concernant le suicide et tentative de suicide enregistrées sur le portail national de signalement par la Direction de la veille et de la sécurité sanitaire de l’ARS. Leur analyse permet l’identification des causes immédiates et les causes profondes, les barrières de défenses qui n’ont pas fonctionné et apprécient l’évitabilité de l’événement.
- Un ensemble d’actions de prévention intégrées, simultanées et territorialisées s’intégrant dans les travaux engagés dans les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et les organisations locales (conseils locaux de santé mentale et contrats locaux de santé). Elle a pour objectif de créer un maillage régional de personnes ressource, de favoriser les dynamiques infra territoriales et des passerelles entre la prévention, repérage et le soin.
- La formation des professionnels de terrain avec la mise en place d’un réseau de formateurs régionaux cliniciens et cliniciens. Elle bénéficie de l’appui scientifique du GEPS (Groupement d’Etude et de Prévention du Suicide) https://www.geps-formation.com/
- le recontact des personnes ayant fait une tentative de suicide dans le cadre du dispositif « Vigilans« . Il repose sur le principe de recontacter à la sortie des services d’urgence rupture de soins hospitalières à partir de professionnels des établissements porteurs du projet.
- La mise en place d’un numéro nationaldédié à prévention du suicide répond à une action portée par la mesure 31 du secteur de la santé. Au niveau régional, le pilotage est porté par l’ARS. Il s’appuie sur un centre organisé par l’AP-HP et le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences.
- La prévention de la contagion suicidairevise à repérer les personnes et les lieux à risque et à promouvoir l’accès aux soins.
Les suites de la stratégie régionale de prévention du suicide en Île-de-France seront formalisées dans le nouveau projet régional de santé (PRS3) après 2022. Son développement s’appuiera sur la contractualisation de projet territoriaux en santé mentale (CTSM) entre l’agence régionale et les acteurs de terrain.
Les capsules vidéo de cette conférence sont disponibles ici sur le site internet de la STARAQS.
Compte tenu de l’importance de ce sujet de santé publique, d’ores et déjà, une nouvelle journée est programmée en septembre 2022.